Théodore Abu Qurrah (en arabe ثاوذورس أبي قرة, Thaoudourous Abou Qourra) (v. 750-v. 830), évêque de Harran, est un théologien chrétien qui vécut durant la première période de l'Islam.
Le mahométan : D’où vient, ô évêque, que la monogamie vous semble plus légitime que la polygamie ? Vous devriez repousser et la polygamie qui vous dégoûte, et la monogamie. Car ce qui est mauvais en général est mauvais pour un cas particulier, et ce qui est bon pour un cas particulier, est bon en général. Ceci car de chacun, la généralité se révèle nécessairement.
Théodore : Ce cas particulier ne se définit pas par rapport à la généralité comme tel homme par rapport à la généralité des hommes. Mais ce cas particulier est l’antithèse de sa généralité, telles la mesure et la démesure, et tels le juste milieu [dikaion] et l’insatiabilité […Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu… > Coran II, 143]
Le mahométan : Persuade-moi, non par votre Isaïe ou Matthieu, auxquels je n’adhère pas vraiment, mais par des concepts validés par la nécessité ou le consensus.
Théodore : Comme tu veux, j’ai de quoi te rassasier… Quelles sont les causes pour qu’une femme recherche un homme en mariage ?
Le mahométan : Je ne sais.
Théodore : A cause de deux choses : le plaisir et la procréation.
Le mahométan : De toute évidence.
Théodore : Depuis le premier façonné, Adam, sais-tu un seul homme jusqu’à maintenant qui ait reçu de Dieu autant de jouissance ?
Le mahométan : Il n’y en a pas.
Théodore : A-t-il senti naître le moindre manque d’une forme de plaisir ?
Le mahométan : Certes non !
Théodore : Et combien de femmes furent formées à partir de lui ?
Le mahométan : Une seule [C’est Lui qui vous a créés d’un seul être dont Il a tiré son épouse, pour qu’il trouve la Quiétude auprès d’elle > Coran VII, 189]
Théodore : Il apparaît donc clairement que le plaisir est plus parfait avec une femme qu’avec plusieurs.
Le mahométan : Je suis contraint d’approuver. Mais il me semble qu’avec plusieurs on a des enfants en abondance.
Théodore : Y a-t-il eu époque qui te semble plus appropriée que celle [d’Adam] pour ce qui est du besoin de fécondité ?
Le mahométan : Il n’y en a pas.
Théodore : Ne vous apparaît-il donc pas clairement que c’est mieux en terme de fécondité que l’abondance d’enfants avec plusieurs [femmes] ? Et il est visible que c’est une pensée opposée à Dieu et aimant les plaisirs charnels qui instaura la polygamie à un moment où il y avait beaucoup d’êtres humains, alors que Dieu avait prescrit la monogamie à l’époque où il y en avait peu.
Le mahométan (ne pouvant accepter d’être d’accord, et rusant pour dissimuler la honte de sa doctrine) : Montre-moi un autre exemple.
Théodore : Il était un Maître qui avait deux esclaves, s’équipant pour partir en voyage : l’un reçoit du Maître l’ordre de se vêtir autant qu’il veut ; l’autre se voit ordonner de ne vêtir qu’une tunique […vos femmes : elles sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles… > Coran II, 187]. Et celui des deux qui tremble de froid recevra quatre-vingt coups de fouet. Le Maître qui a ainsi légiféré te paraît-Il juste ou injuste, d’autant plus que le voyageur n’ayant qu’une tunique est le plus chétif ?
Le mahométan : Injuste.
Théodore : Par conséquent vous accusez Dieu d’injustice, en disant qu’Il a décrété que la femme, qui est plus sujette aux passions [A défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler (…) Soyez des témoins comme Dieu l’ordonne (…) Ne suivez donc pas les passions > Coran IV, 34.135], n’a que le quart d’un homme, alors que l’homme, qui est plus endurant, aura quatre femmes [Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent > Coran IV, 3], sans compter le troupeau des concubines [Ils préservent leurs sexes, sauf avec leurs épouses ou les esclaves qu’ils possèdent, car là vraiment, on ne peut les blâmer > Coran XXIII, 3] ; et pour chacun la peine pour la fornication est de quatre-vingt coups de fouet [La fornicatrice et le fornicateur, fouettez-les chacun de cent coups de fouet > Coran XXIV, 2]. Qui donc est plus injuste que celui qui serait à l’origine de règles si injustes ?
Le mahométan : Donne-moi un autre exemple.
Théodore : Qu’est-ce qui réjouit Dieu pour la société humaine, la paix ou le conflit ?
Le mahométan : La paix [Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères > Coran XLIX, 10].
Théodore : Un mari avec plusieurs femmes aura-t-il plus de paix qu’avec une seule ?
Le mahométan : Il se peut que oui, il se peut que non.
Théodore : Peut-il y avoir de la charité entre elles ?
Le mahométan : Non.
Théodore : Les concubines n’empoisonnent-elles pas l’homme tout en se cherchant des poux ? Les querelles qui naissent entre leurs parentés n’installent-elles pas des conflits sans trêves ? Alors que la monogamie rapproche les deux ascendances éloignées, rassemble ce qui était séparé…
Le mahométan : C’est vraisemblable.
Théodore : Par conséquent la monogamie est plus honorable, plus juste et plus agréable à Dieu. Mais, si tu veux, je peux te donner un autre exemple.
Le mahométan : En vérité, en ouvrant mes oreilles aux exemples donnés aux questions posées, tu m’a quasiment fait chrétien. Aussi j’en ai assez
source : dialogues d'Abu Qurrah par le Diacre Jean