Silvio Berlusconi, le leader de Forza Italia, a évoqué la création d’une monnaie parallèle. La thématique anti-euro gagne de l’importance avant les élections italiennes. Ses déclarations ont provoqué des tensions sur le « spread » italien.
Silvio Berlusconi fait de nouveau peur aux marchés financiers et à l'Union Européenne. Berlusconi, le trublion de la vie politique italienne, qui avait été poussé à la démission en 2011 par un complot organisé par Merkel, Sarkozy, l'UE, les USA, les marchés financiers, le FMI, la gauche italienne et le grand patronat italien (la Confindustria), vient d'annoncer qu'il était en faveur d'une monnaie parallèle pour son pays. Une déclaration qui a immédiatement provoqué des tensions sur la dette italienne lundi, selon les analystes d'ING. L'écart de taux avec l'Allemagne (le fameux « spread ») atteint 169 points de base.
Le leader du parti Forza Italia, qui se positionne pour les prochaines élections générales prévues au plus tard au printemps 2018, a déclaré au journal Libero Quotidiano, que l'introduction d'une monnaie parallèle à l'euro serait un moyen efficace pour l'Italie de regagner sa souveraineté monétaire et de soutenir la demande interne.
Première étape avant une sortie de l'euro
La Ligue du Nord, alliée de Berlusconi propose, elle, de créer une sorte de « mini Bon du Trésor ». Il s'agirait de titres de court terme, sans coupon, utilisés pour des paiements internes. La Ligue du Nord considère que ce serait une première étape dans la transition vers une sortie de l'euro.
Selon le journal italien, l'idée d'une nouvelle monnaie pourrait en tout cas aider Forza Italia et son allié de la Ligue du Nord à formuler un programme politique commun.
« une alliance entre Forza Italia et la Ligue du Nord d'ici aux prochaines élections paraît de plus en plus probable... », commente un analyste de la banque Citi (CitiBank / CitiGroup). « Si une telle alliance est scellée, ce groupe politique est celui qui pourrait obtenir le plus de voix, même s'il n'obtiendrait peut-être pas la majorité parlementaire à considérer que la loi électorale actuelle est toujours en vigueur ». Avec un autre parti, le Mouvement 5 Etoiles, qui fait aussi campagne contre l'euro, plus de deux tiers des électeurs soutiendraient une ligne anti-monnaie unique, relève l'analyste.
Après le spectre d'un Frexit, qui a hanté le marché de la dette française avant l'élection d'Emmanuel Macron, le spectre d'une sortie de l'Italie de l'euro pourrait susciter une panique des marchés financiers et de l'Union Européenne. « Le risque politique en Italie est élevé et devrait se traduire dans les prix de marché à l'approche des élections », prédit l'analyste de Citi. Même constat chez la banque ING, qui estime que le « spread » de l'Italie pourrait passer au-dessus du seuil de 225 points de base.
"Berlusconi n'a jamais été un ardent défenseur de l'euro. En 1996, il a milité contre l'adhésion de l'Italie à la monnaie commune et contre la "taxe européenne" instaurée par Romano Prodi afin de permettre à la péninsule de rentrer dans le club de l'euro. Durant son dernier mandat, entre 2008 et 2011, il a régulièrement accusé l'euro d'être responsable de la faible croissance de l'Italie, car il empêchait de recourir à la dévaluation." dixit Le Point - 06/2012
Ce n'est pas la première fois que Silvio Berlusconi évoque la sortie de l'euro :
source : les Echos
Le projet de Silvio Berlusconi de créer une monnaie nationale parallèle à l'euro a renforcé les inquiétudes des marchés financiers et de l'Union Européenne sur le rejet de la monnaie unique européenne par une proportion croissante de la population en Italie où des élections générales se dérouler le 23 mai 2018 au plus tard.
"Des gens font référence à cet article dans lequel Berlusconi a développé son idée d'une monnaie parallèle", a dit Benjamin Schroeder, stratégiste sur les taux chez ING. "Ce n'est pas une idée nouvelle mais ce que l'on voit c'est que certains commencent à se positionner en vue des élections italiennes et des histoires comme celles-là retiennent de plus en plus l'attention."
"L'idée d'une monnaie parallèle en Italie pourrait aussi être un moyen pour Silvio Berlusconi de trouver un terrain d'entente avec ses alliés politiques de la Ligue du Nord et de Fratelli d'Italia", a dit Lorenzo Codogno, professeur invité à la London School of Economics.
source : Challenges.fr
"L’Italie, l’euro et Berlusconi", par Jacques Sapir
Les récentes déclarations de Silvio Berlusconi sur la nécessité pour l’Italie d’adopter « deux monnaies » ont relancé les spéculations sur l’attachement de ce pays à l’euro. La montée de « l’euroscepticisme » est flagrante aujourd’hui en Italie. Or, une crise en provenance de l’Italie aurait des conséquences bien plus importantes qu’une (probable au demeurant) en provenance de la Grèce, du fait de la taille et du poids de l’économie italienne.
Il est évident que la dégradation continue de la situation économique en Italie depuis ces dernières années impose des mesures radicales. Il est tout aussi évident que seule une sortie de l’euro est en mesure de sauver l’économie italienne, mais aussi par conséquence ses banques, qui sont de plus en plus lourdement chargées en « mauvaises dettes ». Ces « mauvaises dettes » ou « prêts non-performant » comme on les appelle dans les milieux financiers, sont directement issues des petites et moyennes entreprises de la Péninsule qui subissent de plein fouet la stagnation économique engendrée par l’euro. On peut voir, d’ailleurs, sur les comptes de compensation de la Banque Centrale Européenne, ce que l’on appelle les comptes « Target2 » la dégradation constante de la situation italienne depuis ces dernières années.
1 – Compte Target2
Mais, ce que ne disent pas ces statistiques c’est la détérioration profonde de l’économie, mais aussi de la société, italienne du fait de l’euro. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder quelques graphiques. En termes de croissance, et de volume du PIB, l’économie italienne, qui était sur une trajectoire de forte croissance de 1995 à 1999, est aujourd’hui retombée à son niveau de 2000, soit l’année de l’entrée dans l’euro. Mais, ce qui est pire est que, quand on regarde le PIB par habitant, un indicateur du niveau de vie, on constate que l’Italie à régressé au niveau de 1997. Le décrochage de l’Italie par rapport aux deux autres pays « majeurs » de la zone euro, l’Allemagne et la France, apparaît nettement sur le premier de ces deux graphiques.
2 – Indice du PIB
3 – Indice du PIB par habitant
La conséquence est un véritable effondrement de l’investissement qui est, aujourd’hui et depuis 2012, en dessous du niveau qu’il avait atteint en 1995. Cela se traduit par une dégradation rapide des infrastructures publiques mais aussi privées (le logement), dégradation qui a un impact important sur le niveau de vie de la population italienne.
4 – Investissement
Cette dégradation du niveau de vie se traduit, aussi, dans la formation de l’épargne, que celle-ci soit le fait des particuliers ou des entreprises. L’épargne italienne est largement inférieure à ce qu’elle était en 1995, et si elle est redevenue supérieure à l’investissement depuis 2012 c’est uniquement lié à l’effondrement spectaculaire de ce dernier.
5 – Équilibre Épargne/Investissement
La raison de cette remontée apparente de l’épargne (par rapport à l’investissement) est l’explosion de la dette publique en Italie, une dette qui baissait depuis 1996 mais qui ré-augmente de manière spectaculaire depuis 2007 après s’être stabilisée à partir de 2003, soit 3 années après l’entrée de l’Italie dans l’euro.
6 – Dette publique (en % du PIB)
On voit très clairement que le seul espoir pour l’économie italienne est de sortir de l’euro au plus vite, mais la complexité du système politique italien, les tergiversations du Movimente 5 Stelle de Beppe Grillo en particulier, et les intérêts particuliers solidement construits dans une large partie de l’élite politique, rendent cette solution de bon sens peut probable à très court terme. Il est cependant clair que la classe politique italienne a les yeux rivés sur la scène politique française. Une sortie de l’euro par la France donnerait à la classe politique italienne le prétexte rêvé pour sortir à son tour, sans rencontrer de trop fortes oppositions.
source : Jacques Sapir via Egalité & Réconciliation
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