Les agriculteurs en difficulté cultivent un grand ressentiment tant vis-à-vis de Paris que de Bruxelles.
"C'est tous les cinq ans pareil. Pendant les élections, on met les agriculteurs sur un piédestal", après "on les oublie", déclare Jean-François Léostic, éleveur près de Bayeux (Ouest).
Au pays du camembert et du calvados, comme dans les autres zones rurales françaises, les agriculteurs se paupérisent, les exploitations disparaissent, les suicides augmentent. Dans la première puissance agricole de l'Europe, plus de 40.000 exploitations - sur 400.000 au total - sont en situation d'extrême urgence.
"Ca fait déjà quelques années que les politiques ne nous ont pas beaucoup aidés", constate Philippe Marie qui élève des vaches et cultive des pommes sur une centaine d'hectares.
L'an dernier, des mois de protestations ont soulevé le monde agricole. Des centaines de paysans normands ont pris leurs tracteurs pour déverser du fumier devant la préfecture de Caen, la capitale régionale.
Philippe Marie, 49 ans, était "à toutes les manifs" : "c'est important de se défendre", de montrer que la population agricole "reste fière et veut s'en sortir".
"On voit le taux de suicide qui augmente", s'inquiète-t-il.
La permanence nationale de prévention du suicide Agri'écoutes a reçu 1.700 appels au premier semestre - près du triple comparé à la même période l'an dernier.
Selon la sécurité sociale des agriculteurs (MSA), un exploitant sur trois (30%) a déclaré des revenus inférieurs à 350 euros par mois en 2015 - avec un seuil de pauvreté autour de 800 euros en France.
Souvent poussés par les parents, "les jeunes désertent le métier", constate Daniel Lecuir, éleveur de vaches et militant associatif.
Plus de 5.000 abandonnent chaque année. Les agriculteurs qui prédominaient dans les campagnes dans les années 1970 ne représentent plus que 2% de la population (66 millions de personnes).
Les différents "baromètres agricoles" publiés par le site Terre-net montrent une baisse générale de moral, un net rejet de la gauche au pouvoir et une poussée de "l'extrême droite."
"Le Front national s'est renforcé avec le président socialiste François Hollande au pouvoir", assure Franck Lechevrel, patron de bar à Bayeux.
La mondialisation a accru les pressions à la baisse sur les prix. Perfusés par les subventions de la Politique Agricole Commune (PAC), les producteurs laitiers ont ainsi vu leurs revenus s'effondrer depuis la fin des quotas laitiers, l'an dernier.
"Les petits producteurs laitiers ne couvrent pas leurs coûts de production alors que les intermédiaires jouissent de marges énormes. Naturellement, ils ont des griefs", souligne le politologue Jean-Yves Camus.
Pour Daniel Lecuir la disparition des fermes est inimaginable parce que "la France a une véritable identité gastronomique". Avec des spécialités prisées dans le monde entier, "nous avons une vraie carte à jouer".
source : AFP